Une centaine de marchands ambulants figurent en 1820 sur le registre des patentes payées par les commerçants rennais. Ils y voisinent avec les 25 bouchers de la rue du Champ-Dolent, avec une Madame Gautier ou un Monsieur Chevrel, respectivement épicière et boulanger rue Vasselot.
Qu’ont-ils de commun avec les chausseurs Bessec, emblématiques représentants des commerçants spécialistes de centre-ville dont les boutiques ouvertes à la fin du XIXe siècle ont perduré jusqu’à nos jours ? Avec les familles Guillemot, Jacquart, Logeais, Sordet, fondatrices des premiers établissements rennais du grand commerce de détail au début du XXe siècle ? Avec les propriétaires des grandes surfaces ? Ou avec les boutiques franchisées aujourd’hui présentes dans les rues et galeries commerciales de toutes les villes de la planète, dont quelques-unes des plus célèbres, Yves Rocher ou La Brioche Dorée, ont leur berceau ici, chez nous ?
Tous ces noms illustrent la succession des formes à travers lesquelles la vente au détail des marchandises a achevé de se dissocier de leur production et de leur conditionnement puis s’est lentement dégagée de l’exercice familial de la profession. Pour le reste, les différenciations liées à la taille physique et à la structure économique des affaires ont abouti à un changement d’hégémonie : les multinationales de la grande distribution ont, au cours des vingt dernières années, largement pris le dessus sur le modèle de l’indépendance qui a dominé pendant un bon siècle.
Cet important mouvement s’est accompagné d’une modification notable du profil sociologique du commerçant, autrefois indépendant et travaillant en famille, à des vendeurs aujourd’hui salariés. La reconnaissance sociale de ce nouveau salariat a donné lieux à d’importantes actions syndicales tout au long du siècle dernier, sans parler de problématiques ayant un écho local accentué à l’instar du repos dominical.